dimanche 16 novembre 2008

Quantum Of Solace: la critique

Un des meilleurs Bond. Rien de moins. Pas parfait non plus, mais de tout de même excellent. Dans mon top 5. Pourquoi? Lisez.

D'abord, il importe de préciser que Quantum Of Solace (2008) constitue la suite directe de Casino Royale (2006), une première dans l'histoire du célèbre agent secret. Ce détail est capital pour apprécier le film, car il exerce une influence majeure tant sur le scénario que sur les performances des acteurs.

Donc, la principale force de Quantum Of Solace réside dans l'interprétation de Daniel Craig. Jamais un Bond n'a montré une aussi large palette d'émotions: en 1 h 46, Bond presque rit, presque pleure, se fâche (!) et s'excuse (!!). Bond qui se fâche? qui s'excuse???? Incroyable. En plus, il est presque ivre à un certain moment. Or d'habitude Bond ne perd jamais le contrôle de ses émotions, mais dans Quantum Of Solace, il se trouve au bord du gouffre et on le sent tendu comme un élastique sur le point de rompre.

Craig incarne ainsi le Bond le plus complexe, le plus nuancé de la série, un Bond plus proche de celui des livres d'Ian Fleming. Le VRAI Bond, n'en déplaise aux amateurs obsédés par Sean Connery; j'adore Connery, mais il a dénaturé la nature du personnage des livres. Le Bond de Connery, tout comme celui de Roger Moore, est trop parfait et pas assez humain. Certes, j'aime beaucoup ce côté mythologique, mais en même temps, même les héros mythologiques connaissent des moments de faiblesse: par exemple, Héraclès, dans un moment de folie, a tué ses enfants et sa femme Mégara, crimes qu'il expiera en réalisant ses Douze Travaux. Les grands héros le sont non parce qu'ils ne tombent jamais; ils le sont parce qu'ils tombent mais savent se relever.

À noter aussi la brillante performance de Judi Dench dans le rôle de M. Elle semble très naturelle dans ce rôle, qu'elle joue avec juste assez d'autorité et juste assez d'humanité. Jeffrey Wright est également très crédible dans le rôle de Félix Leiter; un Leiter plus introverti que dans d'autres épisodes, mais puissant dans sa réserve.

De plus, les scènes d'action sont très intenses et captivantes, et ce, dès la première séquence. Elles présentent un Bond très violent, très physique, qui saigne, qui sue, qui se fait mal. D'ailleurs, j'avais lu une critique qui décrivait Quantum Of Solace comme un croisement entre The Bourne Ultimatum (2007) et The Dark Knight (2008). Cette comparaison comporte une part de vérité, mais ce 22e opus reste avant tout un Bond et non un vulgaire pastiche d'autres séries.

Une alternance savamment dosée entre les scènes frénétiques et les moments plus introspectifs définit le rythme du film. Il est parfois si rapide que lorsqu'une pause arrive enfin, le spectateur a lui aussi l'impression de goûter au repos. Cette alternance donne un film en montagnes russes, qui procure aux cinéphiles une bonne dose d'émotions variées. En outre, les détails de l'intrigue se dévoilent peu à peu, dans une belle continuité, sans rupture entre les différentes parties (comme dans Die Another Day, 2002). Quelques touches d'humour bien placées viennent détendre l'atmosphère sévère et quelques scènes plus émotives rendent l'histoire encore plus grave. La quête de Bond est surtout personnelle et le scénario le rend bien. Oh, et les vrais mordus seront enchantés par le clin d'oeil à Goldfinger (1964).

Les bémols: Mathieu Amalric ne possède pas l'étoffe d'un méchant bond-esque. Sa performance dans le rôle de Dominic Greene est ordinaire, sans éclat. Quand on se rappellera des méchants légendaires de la série, personne ne mentionnera son nom. Il rejoindra les Julian Glover (Aristotle Kristatos; For Your Eyes Only, 1981), Jeroen Krabbé et Joe Don Baker (général Georgi Koskov et Brad Whittaker, respectivement; The Living Daylights, 1987) dans le Panthéon des méchants oubliés.

La Bond girl Olga Kurylenko s'acquitte correctement du rôle de Camille, mais elle n'a pas la prestance d'une Barbara Bach (Major Anya Amasova; The Spy Who Loved Me, 1977) ou d'une Luciana Paluzzi (Fiona Volpe; Thunderball, 1965). De plus, il n'y a pas eu de scènes de bagarre entre quelques dizaines de personnes et pas de trace de Miss Monneypenny et de R, mais bon, je m'en remettrai.

D'aucuns pourraient se plaindre que dans Quantum Of Solace, James ne se présente pas, il ne commande pas de vodka-martini "shaken, not stirred", ne séduit qu'une seule femme et ne couche pas avec son alliée. So what? Ce sont des détails. L'essence du film est ailleurs. Il s'agit d'un film qui raconte une vengeance et Bond n'a pas la tête à la frivolité.

Quantum Of Solace est l'épisode le plus sombre de la série. Il rappelle Licence To Kill (1989), mais en plus puissant, en plus personnel encore. À la fin de Quantum Of Solace, Bond confronte certains personnages qui peuvent lui apporter les réponses qu'il cherche, mais on ne connaît pas la teneur de leurs discussions. Ce non-dit s'avère très puissant, car il force le spectateur à imaginer ce qui se cache derrière celui-ci. Cependant, la dernière image est très symbolique. On comprend alors le cheminement du personnage principal et on ne peut qu'apprécier le résultat. Non, Bond ne meurt pas.

J'ai hâte de voir la direction que prendra le prochain film. Un soupçon de mythologie créerait un beau lien avec le passé. Enfin. Sortie prévue: 2010. Ce sera long.