dimanche 8 février 2009

"The Wrestler": ma critique

J'ai enfin vu The Wrestler de Darren Aronofsky, avec Mickey Rourke, et je l'ai beaucoup aimé. Vraiment un excellent film. Le jeu de Rourke a été abondamment commenté et louangé, à juste titre. Rourke EST Randy "The Ram" Robinson: un lutteur sur le déclin, un homme brisé, mal adapté, qui vit dans un passé empreint d'une gloire aujourd'hui disparue. Il essaie tant bien que mal (surtout mal, en fait) de réconcilier son passé et son présent; les moments où il tente de renouer avec sa fille sont extrêmement touchants et douloureux. De plus, sa relation avec une danseuse nue - l'excellente Marisa Tomei -, constitue une rare accalmie dans le tumulte de sa vie. Ses amitiés avec les autres lutteurs le font sentir important, mais il réalise peu à peu qu'il se dirige vers un cul-de-sac, que ce monde, le seul qu'il connaît, le seul dans lequel il se sent à sa place, finira par le détruire.

Aronofsky filme le sujet avec une caméra sobre. Pas de plans tape-à-l'oeil, pas d'effets spéciaux ridicules, pas d'images ultra-léchées. La caméra reste discrète, elle sert les personnages et les matchs de lutte. Une sage décision, car le film dresse un portrait d'une justesse quasi-documentaire de l'univers de la lutte. Enfin on voit l'envers des galas, sans artifice, sans censure: la drogue, les lutteurs qui parlent des séquences de leur combat à venir, les blessures (la scène où Rourke se fait enlever des agrafes et des morceaux de verre du corps est particulièrement difficile à regarder), etc. Pour avoir moi-même assisté à des galas dans des salles miteuses, je vous garantis que le film présente la réalité: le côté très pathétique de certains lutteurs, prêts à tout pour réussir dans le milieu, les spectateurs déchaînés qui hurlent sans arrêt, etc. Même les cris du public sont réalistes: Holy Shit! Holy Shit! est un classique, même dans la WWE.

Par ailleurs, grâce à un rigoureux entraînement, Rourke a lui-même effectué les mouvements de lutte; il impressionne, surtout quand il fait un head scissors ou quand il saute par-dessus la troisième corde, sur quelques personnes. En outre, les mordus de lutte apprécieront le clin d'oeil au Iron Sheik, à travers le personnage de The Ayatollah. La conclusion du film complète avec force la vision d'Aronofsky. Je n'en dirai pas plus, pour ne pas gâcher son efficacité.

Je me dois de souligner la trame sonore. Tout film dans lequel on entend Balls To The Wall d'Accept ou même Don't Know What You Got (Till It's Gone) de Cinderella mérite au moins une nomination aux Oscars. Je donne aussi plusieurs points bonus pour l'affiche d'AC/DC dans la roulotte de Robinson.

The Wrestler a été très bien accueilli dans le monde de la lutte, car il dépeint la réalité de nombreux lutteurs: certaines scènes m'ont fait penser à Jake "The Snake" Roberts, Terry Funk et bien d'autres. Des hommes qui ne savent faire autre chose, même s'ils ruinent leur santé en exerçant leur passion, même s'ils ont conscience de cette autodestruction. Ils vivent leur destin. Ils y foncent tête première, au mépris des conséquences, car pour eux, il s'agit de la seule façon d'exister. La fuite n'est pas une option. Le lutteur en eux ne meurt jamais et finit toujours par les rattraper. Il y a tellement d'histoires réelles de lutteurs qui sont morts à cause qu'ils ont suivi leur Destin, si minable était-il. Ils ont été happés par cette force impitoyable qui les pousse vers le Néant. The Wrestler est une des rares oeuvres que j'ai vues qui parvient à montrer, sans cliché, sans complaisance, sans jugement, ce chemin vers les ténèbres. Un grand film.